La Fondation Konrad Adenauer en collaboration avec l’Association des Barreaux des Pays des Grand Lacs (ABGL) et les professeurs Hartmut Hamann et Jean Michel Kumbu a organisé à l’hôtel Serena à Goma, en RDC, un colloque sur « La Coopération entre les acteurs judiciaires de la République Démocratique du Congo, du Rwanda et du Burundi » le 4 et 5 novembre 2021.
Depuis trois décennies, les pays de la région des Grands Lacs africains ont traversé des conflits armés dans lesquels des crimes graves ont été commis. Parmi ces crimes, il y a le génocide au Rwanda, des massacres interethniques au Burundi et des violations graves des droits humains et du droit international humanitaire commises en RDC.
Le colloque a réuni des avocats, des magistrats et des universitaires des régions frontalières dont Goma, Bukavu, Kinshasa, Bujumbura et Kigali, pour échanger leurs expériences, expertises, difficultés et bonnes pratiques. Par ailleurs, créer des pistes de collaboration permettant de renforcer la coopération judiciaire relative aux crimes internationaux et aux violations de droits humains perpétrés dans la région.
Dans ses mots d’ouverture le Bâtonnier Abel Ntumba a souhaité que les conclusions de ce colloque, œuvre, d’acteurs judiciaires puissent inspirer à la fois les scientifiques et les acteurs politiques en vue du rétablissement d’une paix, d’une stabilité et d’une sécurité durable, lesquelles sont le gage d’une bonne croissance socio-économique dans la sous-région. En outre, face aux réalités identiques de ces trois pays de la région des Grands Lacs, le vice-gouverneur militaire de la Province du Nord-Kivu, le commissaire divisionnaire Romy Ekuka Lipopo conclut en disant que les participants de ce colloque doivent s’unir et se liguer comme un seul homme en vue d’accompagner les volontés politiques et diplomatiques des gouvernements afin de mettre fin à l’impunité : « C’est de cette façon seulement que la justice sera garantie et l’état de droit restauré ».
Le colloque comprenait quatre présentations différentes avec des tables rondes, suivies de quatre ateliers correspondants aux thèmes retenus pour la formulation des recommandations en petits groupes.
Professeur Pacifique Muhindo de l’Université Catholique de Bukavu et Université de Goma a présenté le premier thème sur « la coopération judiciaire dans la lutte contre l’impunité des crimes internationaux et violations des droits de l’homme dans la région des Grands Lacs ». Il a développé qu’il faut une coopération entre les trois pays pour faciliter l’arrestation des auteurs qui commettent des violations systématiques des droits humains et qui traversent les frontières et migrent dans la région et parfois ailleurs pour promouvoir la paix. Il dit que l’obligation de la coopération judiciaire en matière pénale entre les Etats de la région des Grands Lacs est fondée sur trois types de textes : les traités internationaux de DIH, les Conventions de coopération judiciaire et les lois nationales.
Selon Professeur Muhindo les obstacles à la coopération sont les obstacles légaux (abolition de la peine de mort), l’absence de connaissance des lois de différents pays et l’appartenance des Etats à des familles juridiques différentes. Il termine sa présentation en faisant les propositions suivantes : mettre en application les textes existants, mettre en place les organes et une autorité dans chaque Etat, abolition de la peine mort et amélioration des conditions de détention.
Raphaëel Tshisumpa Muelu ajoute que les textes existent mais le problème qui se pose est sa mise en application, d’où il faut une autorité unique qui dirige et veille à la mise en œuvre des textes et aussi la volonté politique des Etats de coopérer.
Cette thématique de droit international a été approfondie lors des thèmes suivants et complétée notamment par le quatrième thème « Protéger les droits fondamentaux et renforcer la démocratie dans le contexte sécuritaire de la région des Grands Lacs », présenté par Me Valery Musore Gakunzi, Avocat au Barreau du Rwanda et ancien magistrat. Il affirme que les cours et tribunaux sont loin d’être indépendants du pouvoir exécutif. A son avis le plus grand défi reste la non application des instruments juridiques existantes d’où, il appartient aux avocats et autres juristes de s’élever et jouer un rôle important pour leur application. Me Jean de Dieu Muhuzenge, Bâtonnier du Barreau du Burundi, propose entre autres de créer des synergies pour faire le travail.
Le colloque s’est terminé avec des recommandations. Ainsi, face à la complexité d’extrader les nationaux présumés auteurs des crimes graves, il a été proposé de lever les obstacles de l’extradition en procédant par l’abolition de la peine de mort en RDC et d’encourager la coopération entre les services de forces de sécurité, de renseignements, des ministres de la justice ainsi qu’entre procureurs généraux dans la région des Grands Lacs. Également au regard de l’ampleur des crimes sexuels, il a été proposé p.ex. de sensibiliser réellement les victimes afin qu’elles dénoncent les abus et les auteurs. Pour ce qui est des crimes liés à l’exploitation illégale des ressources naturelles et la protection des droits fondamentaux, il est impérieux que les acteurs judiciaires puissent agir conformément aux instruments juridiques existants et de renforcer la démocratie par la voie judiciaire.