Les élections américaines donnent un coup de pouce modeste au gouvernement Trudeau.
Le résultat clair des élections américaines a été inattendu comme surprenant pour des nombreux Canadiens et pour les médias locaux. Les conséquences pour le Canada pourrait être plus importantes que prévu et l’élection de Donald Trump pourrait potentiellement influencer la campagne électorale déjà en cours au Canada.
Depuis des mois, les instituts de sondages canadiens anticipent un changement de gouvernement. Les conservateurs, qui sont dans l’opposition depuis 2015, profitent actuellement d’un niveau de confiance élevé, environ 60% des Canadiens souhaitant un changement de gouvernement.
Nombreux pensent que le gouvernement de Justin Trudeau, n’est plus capable de relever les défis à venir. Le Canada est confronté à un défi de taille : le budget public expansif a conduit à un endettement élevé, le déficit budgétaire actuellement dépassant 40 milliards de dollars canadiens, qui se traduit par une augmentation des impôts, charges fiscales et des cotisations. Une pénurie de logements sans précédent, notamment à la forte d’immigration de ces dernières années, et la faiblesse de l’activité de construction contribuent de s’aggraver.
La performance économique de Canada se dégrade et la baisse de productivité de ses industries entraine une diminution des investissements nécessaires. Selon de nombreux experts, la qualité du système de santé et les services médicaux s’est considérablement dégradée. D’ici les prochaines élections législatives prévue en octobre 2025, il est fort probable que le Canada change son gouvernement.
Avec des positions fortes sur la réduction des politiques fiscales et des cotisations élevées, sur la politique énergétique et climatique –qui au Canada, est divisée entre les responsabilités provinciales et fédérales- ainsi que la politique du logement, le chef de l’opposition des conservateurs, Pierre Poilievre utilise chaque occasion avec habileté pour mettre le gouvernement sur la défensive. Pendant ce temps, le gouvernement de Justin Trudeau a, au cours de ces derniers semaines, a laissé peu d’opportunité inutilisées pour donner l’impression que ses politiques n’avaient pas été entièrement réfléchies. La majorité des Libéraux, une fois de plus soutenu par NDP sous le chef de parti, Jagmeet Singh, le Parlement a adopté une loi visant à suspendre temporairement, (pendant deux mois) la taxe canadienne sur certains produits de première nécessité et articles spécifiques pour les fêtes. Toutefois, sa mise en œuvre pourrait ne pas aboutir à l’effet souhaité en raison de la complexité des règlementations au cas par cas. Juste avant les fêtes de Noël, le gouvernement a voulu soulager les catégories de revenus les plus modestes et atténuer les coûts élevés de l’énergie et de la vie pour la population canadienne. Il est surprenant de voir que cette réduction de taxe ou la suspension de deux mois s’applique également, entre autres, à l’alcool, ainsi qu’aux friandises et aux sapins de Noël.
Comme prévu, l’opposition, une partie de la communauté commerciale et même certains gouvernements provinciaux ont critiqué ce plan, limité à la période du 14 décembre 2024 au 15 février 2025, qu’ils jugent peu pratique et trop compliqué. Certaines des taxes réduites ou suspendues ne sont pas du tout appliqués par certaines provinces. L’opposition a qualifié ce projet comme une manœuvre électorale transparente, affirmant qu’il s’agirait d’un feu de paille qui couterait beaucoup d’argent contribuables. Avec un trou de 40 milliards dollars dans le budget canadien, ce projet s’accompagne d’un coût supplémentaire de plus d’un milliard de dollars, puisque chaque Canadien est censé recevoir un paiement unique de 250 dollars canadiens au début du printemps 2025.
Les élections américaines ont surpris le Canada
Alors que le débat sur cette mesure spécifique se poursuit, le gouvernement canadien a été surpris par le résultat des élections présidentielles américaines. La possibilité que le gouvernement canadien ait été suffisamment préparé à un second mandat de Trump, comme certains l’affirment aujourd’hui, reste discutable. Toutefois, le résultat clair en faveur de Donald Trump a été une alarme de réveil pour le gouvernement canadien.
Le comité sur les relations canado-américaines, qui aurait été largement inactif depuis 2017, a été immédiatement réactivé. Enfin, ce n’est pas seulement la réélection de Donald Trump qui a été décisive pour le gouvernement Trudeau, mais aussi la demande sans équivoque de Trump s’agir sur des questions telles que l’immigration illégale, et le trafic de drogue, qu’il a directement soulevées dans des interviews. Bien que les déclarations de Trump aient pu être provocatrices, pour Justin Trudeau, il s’agissait peut-être de la dernière occasion de démontrer la capacité de son gouvernement à agir, et de le faire de la manière la plus visible possible pour les Canadiens.
L’avertissement de Trump au Canada et au Mexique selon lequel il imposerait des tarifs douaniers de 25% sur les produits canadiens, s’il n'y avait pas de mesures concrètes pour freiner l’immigration illégale du Canada vers les États-Unis et lutter contre le trafic de drogue transfrontalier, était un défi direct qui a incité le gouvernement canadien à prendre des mesures immédiates. Cette menace a frappé l’économie canadienne à un moment particulièrement vulnérable, le Canada étant déjà confronté à une faible productivité économique et une dépendance commerciale environ 80% à l’égard des États-Unis. L’interdépendance entre l’industrie automobile et les fournisseurs canadiens, et américains, signifie que de tels droits de douane auraient des effets dévastateurs sur la stabilité économique au Canada.
Même avant l’élection américaine, la Chambre de commerce du Canada avait prévenu qu’elle subirait de graves pertes en cas de victoire de Trump. Les exportations des secteurs pétrolier, gazier et minier pourraient chuter de 40%, les exportations automobiles de 20% et le PIB du Canada pourrait diminuer de 1,7% d’ici 2028 (The Globe and Mail, Octobre 10, 2024). Conscient de ces dangers et répondant aux menaces de Trump, Justin Trudeau a saisi l’opportunité d’une visite rapide immédiate chez Donald Trump, au mois de décembre. A la suite de cette rencontre, il a stratégiquement informé les chefs de parti au Parlement, puis le public, des premiers résultats, en soulignant que d’autres discussions étaient prévues, en particulier après l’investiture de Trump le 20 janvier 2025. Pendant ce temps, de nombreuses réunions de délégations sont prévues pour souligner la dépendance des États-Unis à l’égard du Canada en tant que fournisseur de ressources et de gaz. Indépendamment des résultats réels, les actions de Trudeau représentent une manœuvre politique intelligente, ainsi qu’une façon remarquable de se positionner comme le seul défenseur et chef d’Etat du public canadien dans les relations avec la future administration de Trump.
Il reste à voir, si ce succès perçu se manifestera, car les exigences de Trump vont au-delà des questions de migration et de lutte contre le trafic de stupéfiants.
Le Canada, Partenaire de L’OTAN et L’Arctique
La nouvelle administration américaine dirigée par Donald Trump, est bien connue pour exiger de tous les allies de l’OTAN qu’ils augmentent considérablement leurs efforts de défense et leurs budgets de défense nationaux. Le Canada, qui consacre actuellement environ 1,3 de son PIB a la défense, reste loin de l’objectif déclaré de 2% de l’OTAN. La menace de Trump de retirer les Etats-Unis de l’OTAN, bien que juridiquement difficile à mettre en œuvre, est un de moyen de pression efficace sur le Canada ait repousse l’objectif de l’OTAN de 2% de dépenses de PIB a 2032 a déjà été signalé par la nouvelle gouvernement canadien, ce qui suscite des actions et des activités immédiates de la part du Canada.
Coïncidence ou non, le Canada vient de présenter une nouvelle politique étrangère pour l’Arctique visant à donner la priorité à la région, face aux menaces de la Russie et la Chine. Avec cette stratégie, le gouvernement canadien semble également désireux de démontrer aux États-Unis sa volonté de contribuer davantage à la défense commune de l’alliance de l’OTAN. Le Canada prévoit d’investir environ 34 milliards de dollars canadiens dans l’expansion de son infrastructure de défense, avec des milliards supplémentaires alloués à l’infrastructure à double usage et à l’amélioration de la chaine d’approvisionnement dans les années à venir. Les questions relatives à la sécurité et à l’infrastructure de la chaine d’approvisionnement, ainsi qu’à la cybersécurité, deviennent de plus en plus importantes. Le 6 décembre 2024, la ministre canadienne des affaires étrangères, Mélanie Joly, a annoncé la création de deux nouveaux consulats dans l’Arctique, dirigés par un ambassadeur chargé des affaires arctiques. En outre, les provinces et les droits des peuples autochtones, notamment en ce qui concerne la propriété territoriale, feront l’objet d’une plus grande attention. Cependant, toutes les parties prenantes reconnaissent aujourd’hui que sans infrastructures civiles et militaires à double usage, la défense et la surveillance de l’Arctique et de ses voies maritimes ne seront pas possibles.
Après des années de débats sur l’importance stratégique de l’Arctique et de nombreuses initiatives des partenaires de l’OTAN, le Canada prévoit de renforcer la sécurité de l’Arctique par une alliance supplémentaire avec les États-Unis et les pays nordiques de l’Union Européenne. Les violations croissantes de l’espace aérien et des activités frontalières par la Russie et la Chine exigent également une réponse claire de la part du Canada. La sécurité des voies maritimes et des routes commerciales internationales, qui pourraient s’ouvrir pendant les périodes ou les conditions sont plus favorables aux glaces, exige des efforts conjoints de la part de toutes les nations nordiques. Un programme renouvelé pour l’Arctique est essentiel, d’autant plus que les discussions au sein du Conseil de l’Arctique, en particulier avec la Russie, ont souvent échoué à produire des résultats tangibles ou une coopération. Lors du sommet international sur la sécurité d’Halifax (le 22-24 novembre 2024), la ministre canadienne des affaires étrangères, Mélanie Joly, a fait écho aux sentiments de son collègue Bill Blair, ministre canadien de la Défense depuis 2019/2020, qui plaide depuis longtemps en faveur d’une stratégie améliorée pour l’Arctique, dotée d’un financement supplémentaire.
Les activités de la Russie et de la Chine se sont considérablement intensifiées depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Par conséquent, une collaboration améliorée entre les nations nordiques – y compris la Finlande, la Suède, la Norvège, le Danemark, l’Islande, l’Allemagne, le Canada et les Etats-Unis avec l’Alaska- sera essentielle pour protéger l’Arctique stratégiquement en tant que passerelle contre l’agression de la Russie et de la Chine. Les infrastructures liées aux câbles sous-marins, aux oléoducs, aux voies maritimes font l’objet d’une attention accrue de la part du Canada. Le Canada devra réévaluer son infrastructure routière et ferroviaire insuffisante dans l'axe nord-sud, améliorer ses défenses maritimes dans les régions indopacifique et nord-atlantique, et renforcer ses forces aériennes dans le cadre du NORAD aux côtés des États-Unis.
Une Assistance Inattendue dans la Campagne Electorale
Il y a encore quelques semaines, personne au Canada ne s'attendait à ce que les élections américaines offrent au gouvernement de Justin Trudeau, toujours en fonction, de nouvelles opportunités de positionnement politique, du moins à court terme. Or, ce sont précisément les élections américaines qui ont donné au Premier ministre en exercice l'occasion de défendre la politique de son gouvernement et de préparer la population canadienne à des temps difficiles.
Cependant, les accords conclus avec la nouvelle administration Trump n'ont pas été clairs dans leurs résultats. Par conséquent, les conservateurs, dirigés par Pierre Poilievre, restent pour de nombreux habitant du pays, le seul espoir de changement et de redressement économique. La confiance dans le gouvernement actuel semble avoir été définitivement entamée. Malgré près de 10 ans dans l'opposition, les conservateurs n'ont toujours pas trouvé de solution claire à l'aide inattendue et indirecte des États-Unis dans ce domaine.
Ils se trouvent dans une position difficile, car le président des États-Unis, réélu à la surprise générale, n'est pas particulièrement populaire, selon les médias canadiens. Une position d'opposition au gouvernement Trudeau est donc difficilement envisageable pour le parti conservateur s'il ne veut pas risquer d'être perçu comme allant à contresens des intérêts du Canada. En conclusion, il ne reste que la critique apparemment justifiée selon laquelle Justin Trudeau, n'a rien accompli de particulièrement exemplaire. L'année électorale 2025 devrait être importante et passionnante pour le Canada. La plupart des observateurs politiques prévoient des élections anticipées au printemps 2025.