Veranstaltungsberichte
Après les mots de bienvenue délivrés par M.Tebourbi et de M.dix, son excellence M.Andreas Reinicke a pris la parole pour insister sur trois points qui a ses yeux semblent très importants à savoir : le rôle d’une juridiction constitutionnelle, le rôle du juge et l’importance de la justice constitutionnelle dans le processus de lutte contre la corruption indispensable à la réussite du processus démocratique dans son ensemble. M. Reinicke a de même insisté sur le profil du juge indépendant capable de garantir la suprématie de la Constitution et les droits garantis par cette dernière.
Le rapport introductif présenté par Mme. Nadia Akacha a relevé l’importance des textes constitutionnels en matière de protection des droits en distinguant le texte de la Constitution tunisienne de 2014 et celui de la Loi fondamentale allemande de 1949 quant à leur genèse et quant au contexte général de leur établissement. Cette différenciation textuelle n’empêche pas un constat d’uniformisation et de standardisation des droits constitutionnels. Selon Mme. Akacha, l’effectivité des droits constitutionnels dépasse le cadre textuel et a trait essentiellement aux techniques de garanties qui peuvent être des techniques non juridictionnelles et des techniques juridictionnelles.
Mme. Wafa Zafranne Landolsi a présenté une communication sur la liberté dans la Constitution tunisienne du 27 janvier 2014 en affirmant que cette dernière présente la caractéristique d’être une constitution de la liberté et une constitution pour la liberté. En effet, la nouvelle constitution tunisienne traduit les aspirations du peuple tunisien soulevé pour sa dignité et sa liberté. Le texte de la Constitution de 2014 consacre les standards internationaux en matière de droits fondamentaux et de droits de l’homme mais reste malgré cela en deçà du texte de la Constitution du 1er juin 1959, qui avec la révision du 1er juin 2002, affirme que la Tunisie garantit les libertés fondamentales et les droits de l’homme dans leur acception universelle, globale, complémentaire et interdépendante.
L’importance du rôle de la juridiction constitutionnelle, notamment de la Cour constitutionnelle fédérale allemande, dans la garantie de la séparation des pouvoirs a été démontrée par Mme. Maria Kordeva. L’intervenante a mis l’accent sur le rôle d’acteur actif que joue la Cour de karlsruhe. La
juridiction suprême a esquissé toute une théorie des droits fondamentaux tout en gardant le domaine législatif puisqu’aucune limite aux droits fondamentaux n’est possible qu’avec l’intervention du législateur, garant lui aussi de la garantie du corpus des droits protégés par la Loi fondamentale. Le juge constitutionnel fédéral allemand a été l’auteur d’une auto-interprétation de ses propres compétences et du statut de la Cour constitutionnelle Fédérale. Les rapports entre justice constitutionnelle et politique ont été aussi traités par l’intervenante dans le sens de démontrer que par son œuvre interprétatrice, le juge constitutionnel participe indirectement à la prise de décision politique notamment quand il s’agit de questions suscitant un large débat dans la société.
Mme. Sarra Maouiaa a traité pour sa part des droits économiques et sociaux en démontrant que la Constitution de 2014 a adopté le seuil minimum des standards internationaux en matière des droits économiques. Dans ce sillage une incompatibilité entre le texte de la Constitution et celui du Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux a été relevée par l’intervenante. Dépassant le cadre du texte, plus d’efforts gouvernementaux doivent être établis pour garantir une justice sociale et plus de solidarité. La Constitution du 27 janvier 2014 a essayé de réaliser un équilibre entre des objectifs multiples ; reste que la garantie effective des droits économiques et sociaux demeure le gage du développement réel de l’Etat. La dignité des tunisiens restera en effet fonction de la prise en considération des droits sociaux, culturels et économiques et de plus d’effectivité dans le cadre des politiques gouvernementales de restructuration de l’Etat.
La protection juridictionnelle des droits constitutionnels a été traitée par M. Philippe Cossalter qui a démontré l’importance de la participation de la justice constitutionnelle à la protection de ces droits. M. Cossalter, a axé ses propos sur la distinction entre le système français de la justice constitutionnelle et le système allemand de la protection juridictionnelle des droits fondamentaux. L’intervenant a exposé des exemples historiques de la protection des droits sans existence de système de justice constitutionnelle. L’idée de la garantie de la Constitution sans une juridiction constitutionnelle a été de même exposée par M. Cossalter.
M. Nasreddine Nsibi, a traité du volet technique et procédural de la garantie juridictionnelle des droits constitutionnels. En effet, l’intervenant a expliqué les techniques du contrôle de la constitutionnalité des lois par voie d’exception dans l’ordre juridique tunisien. M. Nsibi a traité du rôle du tribunal administratif tunisien se proclamant contrôleur intérimaire de la constitutionnalité des lois par voie d’exception en l’absence d’une juridiction constitutionnelle permanente. Le rôle de l’instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des projets de lois a été de même traité par l’intervenant pour démontrer les limites de cette instance. L’ouverture du contrôle incident de la constitutionnalité devant la future Cour constitutionnelle a été aussi analysée pour donner une vue d’ensemble du
système tunisien de garantie juridictionnelle des droits et des libertés protégés par le texte constitutionnel.
Les droits de l’étranger sur le territoire national tunisien ont été l’objet de la dernière communication présentée lors du colloque. Dans son exposé, Mme. Sonia Mechichi a présenté le cadre légal interne et international concernant la condition des étrangers sur le sol tunisien. Rappelant les normes constitutionnelles en la matière, Mme. Mechichi a rappelé l’objectif d’ouverture de la Tunisie sur son voisinage qui implique la garantie des droits des hôtes étrangers de la Tunisie et l’adéquation de sa législation interne pour une meilleure compatibilité avec les standards internationaux.
Dans son rapport de synthèse, le professeur Chafik Sarsar a conclu que le choix d’un regard croisé entre la nouvelle constitution tunisienne et la loi fondamentale allemande, sur la question de la garantie des droits constitutionnels, oppose ou rapproche une constitution qui a été adoptée en 1949, révisée plus de 50 fois, et qui va fêter prochainement ses 70 ans, avec une constitution qui va à peine avoir ses 5 ans. La loi fondamentale a marqué par sa novation le droit constitutionnel et ce en différentes questions parmi lesquelles, le rapporteur a cité : l’internationalisation du droit constitutionnel, la rationalisation du régime parlementaire, la judiciarisation du contrôle de la constitutionnalité, l’Etat de droit. La Constitution tunisienne du 27 janvier 2014 est une constitution qui a marqué le printemps arabe en implémentant dans un Etat arabo musulman les dernières novations ou, les mutations du constitutionnalisme moderne. Toutefois c’est une constitution qui n’a pas encore toute sa dentition, plusieurs dispositions ne sont pas encore entrées en vigueur. Le professeur Sarsar a démontré que le regard croisé a permis de dégager deux tendances, la première est marquée par une nouvelle piste d’inspiration qui conduit à une convergence entre les deux constitutions et la seconde est la spécificité des instants constituants qui impose des divergences.