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Algérie Presse Service

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L’Allemagne sanctuaire des Algériens pendant la guerre de libération

de Nora Beldjoudi
Le 5 juillet 2022, l'Algérie a fêté le 60e anniversaire de son indépendance de la France. Une occasion de mettre en lumière le rôle qu'a joué la jeune République fédérale d'Allemagne et de son chancelier Konrad Adenauer dans cette indépendance. Alors que les aspirations à l'indépendance de l'Algérie menaient la France à une guerre d'indépendance parfois brutale entre 1954 et 1962, la République fédérale d'Allemagne, fondée en 1955, et son chancelier Adenauer étaient occupés à établir des relations diplomatiques avec d'anciens adversaires de guerre et de futurs alliés. Le comportement diplomatique de l'Allemagne, tant vis-à-vis de la France que de l'Algérie et des pays du monde arabe, démontre à quel point l'équilibre était difficile à trouver vis-à-vis des deux parties. Notre auteure Ouiza Galleze reprend dans son article le défi de cette situation et la politique d'équilibre intelligente d'Adenauer, qui a permis de ni perdre le soutien de la France pour la réhabilitation de l'Allemagne parmi les Etats reconnus, ni d'empêcher l'Algérie de poursuivre sa voie d'indépendance et d'autodétermination.

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Quand un peuple veut vivre dans la dignité, revendiquant son indépendance face à un colonisateur, l’opinion internationale a rarement un avis juste de la situation. Elle est plutôt partagée entre ceux qui sont des alliés traditionnels du colonisateur et se positionnent aussitôt contre la revendication et ceux qui ne figurent pas dans l’alliance et soutiennent le pays qui agit pour sa liberté. Et même si la majorité des petits Etats, préoccupés par leurs quotidiens difficiles, restent sans opinion, il y a très peu de place pour les puissances mondiales dans la neutralité.

Plus que pour tous autres peuples occupés, la révolution algérienne, qui a officiellement débuté en 1954 même si les mouvements indépendantistes n’y ont jamais cessé depuis l’occupation en 1830, a suscité des remous au niveau international politique et humanitaire, car l’Algérie est le premier pays d’Afrique à demander son indépendance, alors qu’elle est l’un des derniers à avoir été entendu. C’est un fait, sa lutte a été longue et particulièrement sanglante avant et pendant la guerre. Mais c’est aussi pour sa position stratégique non négligeable qui a mené à l’insistance de l’Etat français à vouloir la maintenir sous son commandement, faisant ainsi durer le temps des affrontements. Ce qui a mis à l’épreuve une puissance mondiale en remettant en cause ses grands principes sur les droits de l’homme. En fin de parcours, les résultats seront inattendus et l’indépendance de l’Algérie proclamée le 5 juillet 1962, après des accords qui ont duré plusieurs mois.

A partir de 1956, alors que les opérations de lutte s’organisent dans le pays et le congrès de la Soummam structure la révolution, lui donnant une assise importante et une visibilité internationale, une large et sévère répression frappe les indépendantistes en France métropolitaine, incitant plusieurs d’entre eux à chercher refuge dans les pays voisins. La Belgique et la Suisse les accueillent par dizaines, mais c’est l’Allemagne qui s’imposera comme la destination principale.

Ce choix s’explique par la proximité et la facilité de la circulation entre la France et l’Allemagne et parce que certaines villes, comme la Sarre, profitaient d’un double statut. Sous protectorat français, cette région frontalière avec le département de la Moselle est réintégrée politiquement à la République Fédérale d’Allemagne RFA à partir de 1957 mais continue d’appartenir à la zone douanière française jusqu’en 1959, bénéficiant d’une certaine tolérance de la part de la police locale. Cette période de laxisme s’inscrivant pleinement dans les années chaudes de la guerre d’Algérie, ces lieux assuraient une zone de repli avantageuse aux révolutionnaires. C’est là, qu’ils se sont installés, pour pouvoir se rendre aisément dans la Lorraine voisine, où vivent des milliers de travailleurs algériens, important vivier pour la collecte d’argent, d’armes, de moyens de subsistance et de l’« impôt révolutionnaire » destiné à financer les activités au pays.

Mais le choix de l’Allemagne comme pays d’accueil a aussi une extension politique. Vue la situation conflictuelle avec des mutations importantes sur fond de tensions internationales et la naissance de « deux Allemagne », sa position va se scinder en deux. D’abord, la République Démocratique d’Allemagne (RDA), un pays rangé derrière l’Union Soviétique en plein cœur de l’Europe est un apport certain pour les révolutionnaires. Ceci n’est pas simple, ni pour la République Fédérale d’Allemagne (RFA), ni pour Konrad Adenauer, premier Chancelier du pays de 1949 à 1963, auteur de son redressement et de son ancrage atlantiste et européen, considéré comme l'un des promoteurs de la réconciliation franco-allemande, avec le général de Gaulle et l'un des pères fondateurs de la construction européenne. Surnommé le vieil homme (Der Alte), il est le plus vieux dirigeant exécutif d'une démocratie dans l'histoire.

Pendant que l’Allemagne démocratique va exprimer un soutien fort et indéfectible à l’Algérie, appuyé par son positionnement à l’Est prosoviétique, la France va exercer une forte pression sur l’Allemagne fédérale pour l’avoir comme soutien et rejeter les revendications indépendantistes algériennes en cas d’arbitrage international. Seulement, cette orientation politique risquerait d’exposer Bonn à l’hostilité des Etats arabes, qui s’alignent derrière les causes indépendantistes, qu’elle veut garder dans sa projection économiste de commerce extérieur comme clients et partenaires potentiels. La marge de manœuvre est très mince pour Konrad Adenauer qui doit agir intelligemment pour ne pas faire de l’Algérie un ennemi futur, au risque d’entrainer tous les pays nouvellement indépendants ou en voie de libération à se dresser contre lui. D’autant qu’il croyait profondément à cette revendication et ne pouvait pas se dresser contre une cause qui promet un aboutissement certain, et où la RDA a déjà pris parti, s’assurant le soutien appréciable des pays arabes, africains et même asiatiques.

La situation de la RFA s’avère délicate, en tant qu’allié de la France et la relation entre Konrad Adenauer et le Général de Gaulle d‘un côté et le risque de perdre l’opinion des pays arabes et africains au profit de la RDA de l’autre.

Cet apport, c’est le peuple allemand qui va le concrétiser dans son soutien au peuple algérien. Peu à peu, Bonn, Cologne, Hambourg, Munich, Sarrebruck… des noms qui ne viennent pas spontanément à l’esprit de l’Algérien moyen, deviennent les vrais sanctuaires des militants pour l’indépendance de l’Algérie.

Plusieurs moudjahids (anciens combattants) encore vivants, qui ont fui la torture et les prisons d’Algérie ou de France, reconnaissent avoir été reçus dans des familles allemandes et protégés jusqu’à la fin des hostilités. Mais ce ne sera pas un secret longuement gardé. Peu à peu, la RFA devient une plaque tournante de ramassage d’armes à destination d’Alger et des villes algériennes du Nord. Les médias suivent de près les mouvements d’organisation des indépendantistes sur le territoire allemand et l’information prend de l’ampleur. Les positions internationales sont tout aussi inattendues. Au lieu de voir en ce comportement un manquement aux engagements capitalistes et atlantistes, l’Allemagne est hissée au rang d’héroïne. Différents journaux du monde dénoncent les actes de torture et de persécution anti-droits de l’homme sur le territoire algérien. Ce que confirmera l’Arrivée de L'Organisation armée secrète (OAS) qui donne définitivement raison à la visée juste et droite de Konrad Adenauer.

L'Organisation armée secrète est une organisation criminelle politico-militaire clandestine française proche de l'extrême droite. Créée en février 1961, son but est de défendre la présence française en Algérie par tous les moyens, y compris le terrorisme à grande échelle, ralliant des militaires de haut rang, alors que le gouvernement français affiche de façon manifeste sa volonté de se désengager de l’Algérie.

L'OAS, a été responsable de plusieurs milliers de morts et des centaines d’actes terroristes même après les accords d’Evian et le cessez-le-feu du 19 mars 1962. 

Cette orientation terroriste de l’Organisation fera évoluer le point de vue de Bonn vers une position mesurée plus équilibrée et plus juste, pour conclure à l’indépendance de tous les pays qui veulent décider seuls de leur propre avenir. Une situation qui va exiger, à l’interne, de revoir les rôles du gouvernement et des parlementaires.

Cette position politique pour l’Algérie, définie par la conjoncture de la division de 1949, n’enlèvera rien à la grandeur du vieil homme, ni dans son appartenance européenne atlantiste affirmée ni dans ses rapports privilégiés avec la France. Au contraire, en bon allié, il y fait une visite officielle en 1962 et quelques mois après, signe avec Charles de Gaulle le traité de l'Élysée, qui annonce une coopération durable entre les deux pays dans tous les domaines, en vue d’une Europe plus grande, ambitionnant même une réunification des deux Allemagne. En bon négociateur, il arrive même à expier les actes criminels de l’Allemagne nazie et redonne au pays son rôle fédérateur dans le concert des nations, économiquement et politiquement. Grâce à la politique de cet homme d’exception, l’Allemagne sera toujours incontournable dans toutes les décisions européennes et mondiales.

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Interlocuteur

Nora Beldjoudi

Nora Beldjoudi

Chargée de programme

nora.beldjoudi@kas.de +213 44 193 505 +213 44 193 503

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