Comptes-rendus d'événement
L'enseignement supérieur en Tunisie c'est 1.3 milliard de dinars de budget, 4.2% du total budget de l'État, en baisse (1.48 milliard en 2016), le nombre d'étudiants est aussi en baisse passant de 292 000 étudiants en 2016 dans le secteur public à 263 000 en 2017, avec 30 000 étudiants dans le privé dont 8000 étudiants étrangers, on compte 204 établissements univer-sitaires publiques contre 65 privés. Le coût moyen par étudiant s'élève à 5600 dinars, 12 000 dinars pour un étudiant en médecine, en France le coût d'un étudiant est de l'ordre de 38 000 dinars, au Maroc environ 3000 dinars.
Le nombre de bacheliers ne cesse de baisser, transition démographique oblige. Le temps des réformes en profondeur est arrivé à point nommé et que chacun prenne ses responsabilités, il en va du modèle de société Tunisien qui doit viser l'accès le plus démocratique à des enseignements de qualité en phase avec les progrès enregistrés au niveau mondial en termes d'acquisition de connaissance et d'employabilité des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur en Tunisie.
3 fois plus de risque de se trouver au chômage quand on a été diplômé de l'enseignement supérieur que pour quelqu'un qui n'a pas fait d'études ou seulement des études primaires ! Et 2 fois plus de risque de se trouver au chômage pour quelqu'un qui aurait eu son diplôme de l'enseignement supérieur par rapport à quelqu'un qui aurait arrêté ses études au niveau secondaire.
À qui la faute ? Une économie qui n'offre pas de place à la valeur ajoutée et donc qui n'a pas besoin de cadres ? Un enseignement supérieur au rabais qu'il va falloir réformer au plus vite pour une meilleure adéquation entre offre et demande ? La société ne considère plus la formation professionnelle et un système d'orientation à réviser ?.
Pour aller plus avant et fournir des réponses à toutes ces interrogations, la Konrad Adenauer-Stiftung et Sigma conseil ont effectué une enquête exclusive par sondage auprès des deux cibles, à savoir des étudiants effectuant des études littéraires et économiques ou bien études scientifiques et des diplômés de supérieur, actifs ou en chômage.
Pour porter un diagnostic aussi exact et objectif que possible, afin de déterminer surtout les axes des réformes urgentes, il est évidement nécessaire d’entrer dans les réalités de l’enseignement supérieur tunisien, d’en faire une radioscopie, d’en évaluer les performances en déterminant les points forts et faibles ainsi que les principales menaces pour le secteur public.
Il ressort de cette enquête par sondage que la compétence des enseignants en Tunisie (28%) ainsi que la gratuité de l’enseignement (21%) sont perçus comme les deux plus forts points de l’enseignement supérieur public en Tunisie. Quant aux faiblesses du système universitaire public, le manque de moyens et de ressources (19%) avec la non adéquation entre la forma-tion et le marché d’emploi (17%) ont été les premières évoquées.
Comme tout système d’éducation, l’objectif principal d’une phase post-secondaire est de préparer les diplômés au marché du travail. Durant cette phase et afin d’augmenter la chance d’employabilité, l’acquisition d’un certain nombre de compétences est nécessaire. Cherchant à comprendre comment les universités préparent-elles les étudiants à la vie active, nous avons déduit 3 niveaux de compétences, un niveau satisfaisant de très bonne maitrise dépassant les 50% pour le travail en équipe (60%) et la prise de décision (52%), un niveau moyen se situant entre 40% et 50% pour la gestion de stress (49%), la communication orale (47%), la gestion du temps (43%), le leadership (41%) et la maitrise des outils informatiques (40%) et finalement un niveau au-dessous de la moyenne n’atteignant pas les 40% pour la capacité de synthèse et de présentation (37%), la capacité d’analyse (35%), la créativité, la culture et les langues avec des scores entre 23% et 26%.
Durant les dernières années, l’enseignement supérieur privé connaît un développement en Tunisie mais il contribue au même temps à l’instauration d’un système d’éducation à deux vitesses et c’est perçu comme la principale menace pour l’enseignement public.
Remédier à cette situation passe avant tout par l’établissement des principaux axes des réformes nécessaires.
Les principaux axes de réformes proposés tournent autour de 3 points :
- développer la recherche scientifique et y allouer d’avantage de ressources et l’utilisation de nouvelles technologies,
- repenser le système LMD, et
- assurer l’accompagnement des étudiants lors de la recherche des stages.
Le bilan de tous ces points a fait l’objet d’une conférence débat autour du thème « l’enseignement supérieur, entre transmission du savoir et exigence de l’employabilité ». Toutes les questions problématiques ont été débattues en présence du ministre de l’enseignement supérieur M. Slim Khalbous, dont la perception de la question étant l’évidence de l’énorme chantier de la réforme dans le secteur de l’enseignement supérieur souffrant depuis 20 ans des conséquences des choix stratégiques adoptés. Toutefois, malgré toutes les réflexions axées dans ce sens, il n’y a eu hélas aucune réforme. Raison pour laquelle, selon lui, il est grand temps de passer à l’action. Ajoutant que l’université tunisienne devrait revoir deux rôles essentiels pour la société. Le premier : changer la mentalité de la formation devenue extrêmement technique, retrouver le savoir être et savoir-faire, facteurs essentiels de la formation des citoyens à l’école de la vie, le second : réouvrir les portes de l’université á l’environnement économique, au rapprochement des mondes économique (entreprises) et universitaire, mais aussi sociale, culturel et enfin s’ouvrir sur l’internationale.
Quant à Mme Fatma Mseddi députée de la région de Sfax et rapporteur de la commission de la jeunesse, des affaires culturelles, de l'éducation et de la recherche scientifique à l'assemblée des représentants du peuple, a remarqué que les victimes de l’employabilité sont les femmes. En outre, elle a soulevé qu’il y un problème d’adaptation de variété et valeurs ajoutée des diplômés avec le marché de travail, cela est dû à l’économie qui n’arrive pas à résorber tous les diplômés. Pour Mme Imen Amouri, docteur en science biologique et la présidente fondatrice de l'association des docteurs au chômage a mis l’accent sur le problème l'employabilité des docteurs avec un pourcentage de 70%. Elle préconise même de mettre en œuvre une stratégie pour la recherche scientifique. Le débat fut riche est intense ponctué par les interventions des professeurs universitaires, des doctorants, des étudiants, des journalistes ainsi que par un grand nombre de participants. Vers la fin le Ministre a rassuré les participants qu’il y a une commission qui travaille pour produire une vision de l’université à l’horizon 2030 et un projet de loi-cadre, qui englobera toutes les réformes. En tout, il y a 10 commissions spécialisées traiteront de cinq axes majeurs, selon la vision du ministère. Le premier, traitera de la qualité de la formation et de l’employabilité des diplômés, le deuxième, la recherche et innovation, le troisième concernera la Gouvernance et la gestion des ressources, et les deux derniers axes sur la carte universitaire et celle de l’enseignant et la pédagogie.