Comptes-rendus d'événement
Inscrite dans une dynamique qui s’est élargie bien au-delà des frontières nationale, l’expérience tunisienne a fini par se voir impliquée, bien malgré elle, dans des situations plus complexes ; la question politique s’est engloutie dans des débats théologico-politiques vieux de plusieurs siècles.
Lors de ce workshop, un débat passionné a opposé deux thèses : une thèse optimiste qui considère que, malgré les dérives actuelles, y compris le terrorisme, nous assistons à une sécularisation profonde de l’action politique. Les partis qui se réclamaient jadis de la religion se disent aujourd’hui inscrire leur action dans un horizon politique, civil et démocratique, même s’ils s’inspirent d’une tradition à dominante religieuse. Ils se comparent volontiers à la démocratie chrétienne et Europe et se réclament d’un islamo-démocratique. Il importe peu d’invoquer ici la mauvaise foi, la manipulation et les malentendus. Car au fond, ce qui est plus important c’est de voir les électeurs ne plus attribuer une grande valeur à une prétendue affiliation religieuse d’un parti mais le jugeant selon ses actions et ses réalisations. Les élections de 2014 en Tunisie en ont apporté la preuve éclatante.
Une autre thèse défend, au contraire, que l’impasse historique reste totale. Depuis le refus catégorique, opposé en 1925 par la quasi majorité des théologiens musulmans au pamphlet de Ali Abderraziq qui appelait à la séparation entre la religion et la politique, rien n’a réellement changé sur le fond. Au mieux, des artifices ont-ils été rajoutés pour rendre moins choquant le refus de la sécularisation. Les sociétés arabes auraient raté, avec les révolutions déclenchées en 2011, une deuxième chance pour trancher ce paradoxe.
Les exposés sur les évolutions historiques enregistrées en Allemagne, en Belgique, en Roumanie, aux Etats-Unis et par rapport aux positions de l’Eglise romane –exposés présentés par des imminents spécialistes- pouvaient-ils aider à mieux appréhender l’évolution sur un long terme des sociétés arabes ? Malgré la fécondité de l’approche comparatiste, force est de constater que les fondements mêmes de la comparaison demeurent tributaires d’un postulat invérifiable, celui du jugement que l’on porte sur l’évolution de sociétés issues de traditions différentes, Qu’est-ce qui pèsera le plus, les éléments de démarcation ou les éléments d’association ?
Le deuxième grand débat qui a eu lieu lors de ce workshop s’est rapporté à la modernité. Cette notion doit-elle entendue dans un sens universel ou pluriel ? Il est évident que dans un cas comme dans un autre, les implications sur la question de la gouvernance, en tant que modernité politique, trouve des appréciations différentes. Cependant, une troisième piste a été discutée, celle d’une « modernité critique » qui ne se confond pas à un modèle et une expérience occidentaux mais continue toutefois de défendre des valeurs universelles.
Dans un débat politique national qui tend à s’éparpiller et à ce personnaliser, ce retour aux fondamentaux et aux questions de base contribue à donner une consistance plus solide à l’expérience tunisienne. D’autant plus que le workshop a coïncidé avec la célébration officielle de l’attribution du Prix Nobel de la Paix à la société civile tunisienne. Avec plus de 30 workshops organisés par l’Observatoire et la Konrad-Adenauer-Stiftung pour accompagner la transition démocratique en Tunisie, Nous pensons avoir prouvé encore une fois notre détermination à s’inscrire dans la dynamique de cette société et de déclencher en son sein les débats sociétaux de fond.