Comptes-rendus d'événement
LA CONSTITUTION BENINOISE DU 11 DECEMBRE 1990 UN MODELE POUR L’AFRIQUE ?
COLLOQUE INTERNATIONAL A COTONOU
Le colloque international sur la consti-tution béninoise du 11 décembre 1990 a été organisé avec l’appui technique et financier de la Fondation Konrad Ade-nauer du 8 au 10 Août 2012 au Bénin. A l’instar du juge à la Cour Constitu-tionnelle de Karlsruhe en Allemagne, le Professeur Andréas Paulus, d’éminents professeurs et praticiens du droit cons-titutionnel, venus de divers pays d’Afrique et d’Europe, ont présenté des communications axées sur la constitu-tion béninoise du 11 décembre 1990. L’objectif du colloque est d’une part, d’analyser la constitution béninoise pour en dégager ses forces et faibles-ses de sorte à enrichir le débat de sa révision et d’autre part, de rendre hommage au Professeur Maurice AHANZO-GLELE reconnu comme étant le père de cette constitution.
L’état de droit, la démocratie, l’organisation des élections, le contentieux des élections nationales en Afrique francophone, la responsabilité pénale des gouvernants, le mode de fonctionnement des institutions, les limites de la Cour constitutionnelle béninoise et les rapports entres les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ont été analysés au regard de la constitution béninoise du 11 décembre 1990. Au total, neuf panels, une table ronde et trente cinq communications ont été présentés.
Au terme des communications et des débats, les participants ont pu essentiellement retenir que la constitution béninoise du 11 décembre 1990 n’est pas une imitation des constitutions d’autres pays, mais plutôt une œuvre originale du constituant béninois dirigé par le Professeur Maurice AHANZO-GLELE. Cette originalité a donné corps à un régime de type présidentiel, mais avec quelques spécificités tels que les pouvoirs d’interpellation du gouvernement par le parlement. Au sujet de l’Etat de droit et de la démocratie, le colloque a reconnu le rôle primordial de la constitution dans la promotion de l’état de droit au Bénin. En effet, la constitution béninoise du 11 décembre 1990 donne l’opportunité à tout citoyen de saisir directement la Cour constitutionnelle pour des questions relatives aux libertés individuelles– une décision audacieuse des constituants à l’encontre du modèle français.
Les débats ont également abordé la question de la régulation du fonctionnement des institutions de la République par la Cour constitutionnelle. A cet effet le colloque a mis l’accent sur les difficultés de la lecture divergente des décisions de justice par les requérants, surtout en ce qui concerne la régulation du fonctionnement des institutions de la République. La question essentielle était de savoir si les pouvoirs spéciaux de la Cour Constitutionnelle ne la transforment pas en un gouvernement de juges. Sur ce sujet, la présence d’anciens juges de la cour ainsi que d’actuels présidents des cours constitutionnels en Afrique, comme par exemple de la Côte d’Ivoire et du Mali, a permis de rappeler que la cour constitutionnelle se trouve dans l’obligation d’interpréter la loi, mais ne crée pas la loi. Elle a également l’obligation de dire la loi dans l’intérêt suprême du peuple. C’est sans doute ce qui justifie qu’elle s’efforce de protéger l’intérêt du peuple en allant rechercher dans le préambule de la constitution ou dans les autres lois qui forment avec la constitution le bloc de constitutionnalité, des arguments juridiques pour prendre une décision dans un sens ou dans l’autre.
Au sujet des élections au Bénin en particulier et en Afrique en général, l’intervention des cours constitutionnelles a également fait l’objet de vives discussions. A ce sujet, le rôle de la cour constitutionnelle béninoise dans le processus électoral a révélé que les sages de la cour ont un rôle crucial à jouer dans un contexte marqué par des enjeux politiques contradictoires. La prévalence du droit au cours des élections et durant les conflits pré- ou postélectoraux est une situation à souhaiter partout en Afrique comme c’est le cas en République du Bénin. Partant de ce constat, le Président de la Cour Constitutionnelle du Mali a apporté son témoignage. En effet le Mali vit actuellement une situation particulière après le coup d’état qui a renversé l’ordre constitutionnellement établi dans le pays. Dans une telle atmosphère, il est difficile au juge constitutionnel selon le Président de la Cour, d’accomplir sa mission de façon autonome. Si actuellement la Cour Constitutionnelle du Mali reste l’une des rares institutions encore existantes dans le paysage politique du pays, ce n’est que parce que la nécessité se fait sentir de légitimer un régime illégal. Le Président de la Cour Constitutionnelle du Mali en conclue que les juridictions constitutionnelles encourent dans le contexte africain un risque d’instrumentalisation vu leur importance dans le système politique contemporain.
Pour éviter un tel état de chose, le juge constitutionnel, en tant que juge de dernier ressort pour le contentieux de plusieurs élections comme au Bénin (présidentiel et législatives), doit faire preuve d’audace tout en restant conforme au droit. Cette exhortation a été d’abord faite par le Professeur Maurice AHANZO-GLELE et par la suite, reprise par l’ensemble des panélistes, des professeurs et des doctorants. Afin de largement discuter de ce sujet, une table ronde spéciale a eu lieu sur les constitutions et la résolution des crises et des conflits en Afrique.
Dans le cadre de ce colloque, le Professeur Andréas Paulus, Professeur de droit public à l’Université Göttingen et juge à la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe en Allemagne a fait une communication sur le rôle de la Cour constitutionnelle dans la stabilité constitutionnelle en Allemagne. Une communication qui a ouvert le débat sur une étude comparative des deux institutions constitutionnelles et qui a fait voir beaucoup de points de convergence tels que la recherche de la primauté du droit, la liberté du juge, la prééminence du droit et de l’intérêt du peuple.
Au-delà de la participation aux discussions du colloque, le Professeur Andréas Paulus au eu de fructueux échanges avec le Président de la Cour Constitutionnelle du Bénin, Maître Robert DOSSOU de même qu’avec des jeunes leaders sociopolitiques qui sont pour la plupart des boursiers de la Fondation Konrad Adenauer. Les échanges ont essentiellement porté sur la justice constitutionnelle et l’Etat de droit en Allemagne et au Bénin.
Au terme de ce colloque, il faut retenir que la constitution béninoise est un pas essentiel, mais un premier pas vers la lutte pour la protection des droits de la personne humaine, la promotion de la dignité humaine et de la démocratie. Par ailleurs les panélistes ont abouti à la conclusion que la constitution béninoise du 11 décembre 1990 est une œuvre humaine imparfaite et il faudra donc objectivement la réviser au regard de l’expérience afin de l’adapter aux évolutions sociopolitiques et aux aspirations du peuple béninois.