La pensée soufie comme principe de dialogue inter-religieux et culturel

Le centre d’études et de recherches sur la culture et le droit hébraïques au Maroc a organisé le 25 janvier à Fès en collaboration avec la Maison Maroc pour la Paix et la Fondation Konrad Adenauer, Maroc- Mauritanie, un colloque international sous le thème « La pensée soufie comme principe de dialogue inter-religieux et culturel ».

Organisé conjointement par la Fondation Konrad Adenauer-Maroc, le Centre d’études et de recherches sur la culture et le droit hébraïques au Maroc, ainsi que par la Maison Maroc pour la Paix, cette conférence avait pour objectif de réfléchir de manière collective et approfondie aux différentes approches du soufisme dans le cadre d'un échange scientifique international. De nombreux points de vue philosophiques, sociologiques, anthropologiques et religieux ont été présentés par les différents chercheurs lors du colloque.

Au cours de son discours d’ouverture, M. Steven Höfner, Représentant résident au Maroc de la Fondation Konrad Adenauer, a mis en avant le modèle marocain de coexistence et a souligné son importance en tant qu'exemple de dialogue et de respect mutuel. Le soufisme, lui aussi, en tant que théorie, dépasserait les frontières culturelles et religieuses et appellerait ainsi à la réflexion sur des valeurs telles que l'amour, l'harmonie et l'unité. Il a ajouté qu'il était dans la nature du soufisme de s'opposer au dogmatisme et à l'exclusion et de se tourner plutôt vers la reconnaissance de l'autre.

Dans ce narratif de la reconnaissance et de l'empathie de l'altérité, Manoël Pénicaud, anthropologue chargé de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique, effectue des études sur le thème de l'hospitalité dans le soufisme, en se focalisant sur les Regragas d'Essaouira. Les Regragas forment une confédération maraboutique entre les villes de Safi et d’Essaouira, connus pour leur pèlerinage annuel de trente-neuf jours pour visiter leurs ancêtres. Sur la base de ce pèlerinage, lieu d'hospitalité, Pénicaud a expliqué plus en détail le contexte étymologique du mot hôte en français, qui décrit à la fois la personne qui accueille et la personne qui est accueillie. Dans ce cadre, l'orientaliste français Louis Massignon a également été cité, qui décrit l'interaction entre l'hôte et l'invité comme suit : « Pour comprendre l’autre, il faut devenir son hôte ». Pour Pénicaud, ce sont la religion et surtout les relations interreligieuses qui peuvent devenir des lieux de compréhension mutuelle et d'hospitalité. Le Maroc est un modèle à cet égard en tant que territoire de partage entre cultures et religions. 

Une autre approche discutée dans le cadre du colloque a été le lien entre le soufisme comme stratégie de dialogue, l'institutionnalisation de la religion et l'éducation. Farid El Bacha, fondateur de la Maison Maroc pour la Paix, a souligné l’importance du dialogue et de l’éducation pour lutter contre l’ignorance et l’extrémisme, tandis que Saadeddine Igamane, professeur chercheur de sociologie à l'université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès, a analysé une réforme d'un manuel scolaire dans la matière de l'éducation islamique. Dans le cadre d'une étude qualitative, le contenu de l'ancien et du nouveau manuel scolaire a été comparé et des différences considérables ont été mises en évidence. Alors que l'ancien manuel enseignait des valeurs telles que la purification, le nouveau manuel scolaire mettait l'accent sur la justice, la tolérance et la citoyenneté, avec le Prophète Mohamed comme un modèle représentant de ces valeurs.

Enfin, les défis mondiaux actuels et les crises humanitaires ont également trouvé leur place dans la discussion. M. Abdellah Ouzitane, président-fondateur du Centre d’études et de recherches sur le droit hébraïque au Maroc, a évoqué la nécessité de s'inspirer des figures historiques du soufisme, telles que Rumi et Ibn Arabi, pour relever ces enjeux contemporains. Encore une fois, dans ce cadre, le Maroc a été mentionné comme pays exemplaire et nation riche en diversité culturelle et religieuse, faisant face aux divers défis mondiaux. En outre, le professeur El Moustapha Aouine de l’université Sidi Mohammed Ben Abdellah - Fès, a nommé Fès comme espace de spiritualité, de pluralité et de réflexion humaine, s’inscrivant dans les valeurs soufies.

M. André Azoulay, conseiller de Sa Majesté le Roi Mohammed VI et président fondateur de l’association Essaouira-Mogador, invité à distance, a également mis en valeur la continuité « de la pensée soufie dans l’histoire et dans le déterminisme de la société marocaine ».

Le colloque a été clôturé par la signature de la convention de coopération entre la Fondation Konrad Adenauer et le Centre d’études et de recherches sur le droit hébraïque : « Les Journées du soufisme et des spiritualités Essaouira-Tétouan », visant à renforcer la recherche et le dialogue par rapport au soufisme, ainsi que la compréhension mutuelle et la tolérance.