Cette étude est la dernière d'une série de quatre réalisée par le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) pour le Programme régional du dialogue sur la sécurité en Afrique de l’Ouest (SIDOPI) de la Fondation Konrad Adenauer (KAS). Les travaux de cette série ont pour but d’examiner la Facilité européenne pour la paix (FEP), nouveau fonds hors budget de l’Union européenne (UE) consacré à la consolidation de la paix et la prévention des conflits dans le monde. La première étude s’est focalisée sur les caractéristiques de la FEP et sur le débat qui l’a accompagnée en Europe . La deuxième s’est quant à elle concentrée sur la manière dont la Facilité européenne pour la paix a été accueillie en Afrique. La troisième étude s’est attachée à décrire le fonctionnement de la FEP, les procédures administratives et les considérations politiques y afférentes .
L’objectif de cette quatrième étude est d’examiner les premières dépenses effectuées dans le cadre de la FEP et de tenter d’en tirer des enseignements pour le financement des opérations de paix et le renforcement des capacités militaires en Afrique. Sur les 5,692 milliards EUR qui étaient initialement budgétés pour le fonctionnement de la FEP sur la période 2021-2027, 86 % ont déjà été alloués ou dépensés . L’examen de ces premières dépenses est riche d’enseignements, mais soulève aussi des interrogations.
Au titre des enseignements, on relève que les trois principales nouveautés qu’apporte la FEP par rapport au programme l’ayant précédé, la Facilité de paix pour l’Afrique (FPA), ont pu être expérimentées depuis juillet 2021. (1) La FEP a ainsi permis de diriger des fonds vers d’autres continents que l’Afrique, en soutenant la Task Force médicale pour les Balkans, la Bosnie-Herzégovine, la Moldavie, la Géorgie, l’Ukraine et le Liban et la Jordanie. (2) La possibilité de soutenir directement un État africain sans passer par l’Union africaine (UA) a aussi été explorée avec une assistance directe aux forces armées du Mozambique, du Mali, du Niger, de la Mauritanie et du Rwanda. (3) Les fonds de la FEP ont enfin été utilisés pour financer des transferts d’armes létales d’États européens vers l’Ukraine depuis l’invasion russe de février 2022.
Au titre des interrogations, on remarque que 3,6 milliards EUR ont été dépensés dans le cadre du soutien à l’Ukraine agressée . On peut donc se demander dans quelle mesure la répartition actuelle des dépenses de la FEP est représentative de ce qu’elle pourrait être sur le long terme, au vu de la part qu’y représente l’assistance à l’Ukraine.
La première tranche de financement de la fourniture d’armes létales à l’Ukraine a été décidée le 28 février, quatre jours après le début de l’invasion russe. La rapidité (pour ne pas dire l’empressement) avec laquelle cette décision a été prise pose la question du respect des procédures d’évaluation et de contrôle prévues pour encadrer les livraisons d’armes létales via la FEP . On peut donc également se demander si ce qu’on a observé dans le cadre de l’aide d’urgence à l’Ukraine est extrapolable à de futurs financements de transferts d’armes létales dans d’autres contextes, notamment africains.
Pour préciser les enseignements et proposer des éléments de réflexions face aux nombreuses questions que posent ces premières dépenses de la FEP, cette étude s’articule en trois parties. La première rappelle ce qu’est la FEP et précise notamment les conditions de sa naissance, ses buts et ses procédures administratives. La deuxième se penche sur les enjeux budgétaires en analysant plus particulièrement les fonds déjà alloués à des mesures d’assistance vers l’Afrique et à d’autres objectifs, dont le soutien à l’Ukraine. Elle évalue au passage les perspectives de refinancement et d’augmentation du budget de la FEP au vu d’une première année et demie coûteuse. Enfin, la troisième partie revient sur la façon dont les premiers transferts d’armes létales vers l’Ukraine ont été organisés via la FEP et questionne ce qu’il faut en retenir dans la perspective d’éventuels futurs transferts d’armes létales vers l’Afrique.