Rapports pays
Le Gouvernement marocain, les associations, la société civile, les intellectuels et les artistes expriment actuellement leur rejet de l’extrémisme islamiste et le terrorisme qui a désormais marqué sa présence aussi au Maroc, et de façon si choquante, à travers les attentats meurtriers de Casablanca.
Parallèlement, le Gouvernement a initié un important dispositif de mesures pour endiguer l’expansion des tendances islamistes, accélérer le processus de réformes et renforcer la modernisation, la démocratisation et la croissance économique.
La série de cinq attentats meurtriers simultanés dans la métropole économique le 16 Mai 2003, coûtant la vie à 43 personnes dont huit Européens, a ébranlé tout le Maroc.
Jusqu’ici prévalait la certitude que le Maroc était prémuni contre l’extrémisme du fait de sa tradition de tolérance religieuse et culturelle, mais il est désormais évident que l’islamisme radical en tant que phénomène global ne connaît pas de frontières. C’est d’autant plus évident que, selon les premiers résultats de l’enquête, la totalité des terroristes étaient marocains et appartenaient à la mouvance islamiste radicale de la Salafia djihadia.
Ce mouvement trouve ses racines idéologiques en Arabie saoudite, de même que plusieurs des principaux idéologues clandestins ont suivi leur formation théologique dans la péninsule arabique. Même si les attentats s’en prenaient symboliquement à des cibles étrangères ou juives – le Centre culturel espagnol de Casablanca, l’Hôtel Farah, le cimetière juif de la vieille ville, un restaurant dont le propriétaire était Juif et le Cercle de l’Alliance juive -, c’est bien le régime marocain lui-même qui est la cible présumée des terroristes, la déstabilisation d’un Etat ressenti comme pro-occidental et impie.
Dans ce sens, cet acte terroriste se range dans la logique des actions menées par Al Qaïda, même si aucun lien direct avec ce réseau terroriste international n’a pu être prouvé jusqu’ici. Un enregistrement présumé d’Oussama Ben Laden via la chaîne télévisée Al-Jazeera avait cité le Maroc comme un système politique impie parmi les pays « à libérer », le désignant ainsi comme une cible potentielle.
Selon les estimations des forces de l’ordre, les partisans de la Salafia djihadia comptent quelques milliers, voire environ 10.000 activistes rassemblés en plusieurs groupuscules. Les trois groupes principaux sont « Attakfir wal Hijra » (Expiation et Exil), le plus important et le plus anciennement implanté, et qui constitue la colonne vertébrale de la Salafia djihadia, le groupe « Assirat al Mustaqim » (le Droit Chemin), présumé responsable des attentats de Casablanca, ainsi que le groupe « Ahl Assuna wal Djamaâ ».
Après des recherches et des enquêtes approfondies, 61 suspects en liaison directe avec les attentats ont été arrêtés et menés devant la justice, et des centaines d’autres personnes dans le cercle élargi de la Salafia djihadia ont été arrêtées et auditionnées. Les enquêteurs ont pu découvrir deux cellules terroristes, qui auraient planifié d’autres attentats dans différentes villes marocaines. En outre, ils ont constaté que la totalité des 14 auteurs des attentats suicides, dont 12 ont péri lors des attaques, provenaient du bidonville de Sidi Moumen, à Casablanca.
Les attentats de Casablanca ont eu pour effet d’« éveiller en sursaut » la société et le système politique marocains. Une loi anti-terroriste, rédigée à la suite du 11 septembre 2002 sur le modèle américain, qui s’était heurtée tout d’abord à une vive résistance de la part des islamistes – mais aussi des partis de gauche et des associations de droits de l’homme – a entre temps été votée sans problème par le Parlement.
Sur le plan religieux également, le régime s’efforce d’endiguer l’islamisme. Le Conseil des Oulema, les docteurs en sciences religieuses, a lors d’une déclaration officielle condamné les attentats en les déclarant non conformes l’Islam. Le Ministère des Habous et des Affaires islamiques, chargé de la nomination des Imams, de même que le Ministère de l’Intérieur, ont pris des dispositions pour écarter des mosquées les prédicateurs de la Salafia ou pour empêcher la construction de mosquées illégales.
Mais l’élément décisif pour la réussite de la campagne anti-islamiste sera en fin de compte dans quelle mesure le régime réussira à long terme à apporter une amélioration sensible aux conditions de vie des Marocains. La misère, le chômage, l’analphabétisme, l’absence de perspectives et la déception relative à la lenteur de la mise en œuvre des réformes, voilà autant de phénomènes qui profitent au mouvement islamiste et constituent un grand danger pour l’amorce fragile d’une démocratisation et pour le développement futur du Maroc.
Le Maroc adhère aux valeurs telles que la démocratie, le pluralisme, la tolérance et le dialogue des cultures. Cet élément essentiel devrait être honoré et soutenu par ses partenaires occidentaux, notamment l’Union européenne en tant que voisin direct du Maroc.
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