Conférence spécialisée
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Cette politique est assortie de subventions agricoles qui profitent avant tout aux grands agriculteurs des zones côtières. En se réorientant vers des cultures méditerranéennes, les produits biologiques, et les produits du terroir, pour lesquelles elle dispose d’un avantage comparatif important et d’un soutien en hausse, la Tunisie pourrait accroître son produit intérieur brut. Ce changement de braquet au profit des filières/régions et un retour vers les coopératives impacterait une majorité de cultivateurs du pays, et notamment les plus petits, et serait une aubaine pour les régions intérieures plus défavorisées.
Or malgré le potentiel et les avantages comparatifs que recèle l’agriculture tunisienne, la perspective de sa modernisation et de son ouverture progressive aux échanges soulèvent beaucoup d’appréhension et un lever de boucliers, appelant à réserver à l’agriculture un traitement particulier.
En fait, cela est dû à la spécificité intrinsèque de l’agriculture. Il s’agit de produits à forte variabilité de qualité dans le temps et dans l’espace, avec un processus d’élaboration complexe, faisant appel à des facteurs de production eux-mêmes soumis à des contraintes (terre, eau, intrants chimiques et biotechnologiques...). De plus, le niveau de production est déterminé par des facteurs exogènes (climat) et endogènes (anticipations des exploitants agricoles, notamment leur aversion au risque). Cet ensemble de facteurs crée une instabilité sur les marchés agricoles qui se manifeste à travers une volatilité des prix sur la longue période, entraînant des difficultés pour les producteurs (forte variabilité des revenus) et pour le consommateur (hausse brutale des prix); ce qui légitime un traitement particulier.
Cela est dû aussi à la forte asymétrie qui existe entre l’agriculture tunisienne et européenne. L’agriculture tunisienne est un secteur stratégique avec des problèmes structurels et des exploitations qui ont grandement besoin de se mettre à niveau, pour pouvoir soutenir la concurrence et surmonter les obstacles bien ardus des normes sanitaires et phyto sanitaires et autres barrières non tarifaires. Car de l’autre côté de la Méditerranée, l’agriculture européenne est beaucoup mieux structurée avec notamment des organisations professionnelles et interprofessionnelles aussi fortes qu’influentes, mais c’est aussi une agriculture soutenue et protégée.
Le Statu quo n’étant pas une solution viable, l’agriculture tunisienne doit être modernisée, indépendamment des négociations sur l’ALECA, pour assurer pleinement son rôle au service de l’économie tunisienne, mais aussi au vu de sa place importante dans l’emploi, le développement régional et la protection de l’environnement, voir le développement rural et le tourisme néo-rural. Et cela, en préservant les ressources naturelles du pays et en garantissant un revenu aux agriculteurs, avec une attention particulière à la petite agriculture et aux populations rurales à faible revenus.